Relaxation et soin psychique


Relaxation et soin psychique Recevant des patients adultes pour des cures de relaxation en consultation de santé publique (au Centre Médico-Psychologique de Boulogne-Billancourt) j’ai mis au point, au fil des 25 années de ma pratique, une approche psychodynamique qui relie l’abord corporel - par l’écoute des sensations et la régulation tonique – à une élaboration psychique – grâce à l’attention portée à la mémoire sensorielle et émotionnelle, ainsi qu’aux images mentales.

Ce processus permet d’emblée un accès au réservoir inconscient, et est particulièrement opérant pour la relance du mouvement psychique lorsque celui-ci est entravé.
La parole, invitée par le corps, retrouve alors tout son sens et sa fraîcheur, offrant au sujet une voie pour se dire.


LA METHODE

Le cadre thérapeutique qui permet ce déploiement est stable et fiable : régularité des séances, durée identique de celles-ci, et même dispositif proposé à chaque fois.

En revanche, le déroulé de la séance alternant « écoute du corps » et « temps de parole » peut varier.

Généralement, une invitation à exprimer les « ressentis corporels et affectifs de l’instant » est faite au début.

Vient ensuite le temps de la relaxation à proprement parler, soutenue par les inductions verbales du thérapeute, le sujet en relaxation restant silencieux et attentif à ses sensations corporelles, et aux images, souvenirs et émotions qui s’imposent à lui durant ce voyage du jour.

Enfin, la dernière partie de séance lui permet d’exprimer ce qu’il vient d’éprouver ainsi que les souvenirs, pensées, douleurs, inquiétudes ou désirs convoqués par l’imaginaire sollicité.
Cependant, il peut arriver que ce temps de parole, support d’élaboration, soit réduit, prolongé ou interverti par rapport à la relaxation, en fonction de nécessités spécifiques.

Dans le dispositif proposé, le thérapeute est installé près du divan sur lequel le relaxant est allongé, et peut être visible par lui. Une autre présision importante : il n'y a pas, comme dans d'autres techniques, un "toucher de relaxation" effectué par le thérapeute. Seule sa parole peut "toucher" le corps du relaxant.

Les inductions du thérapeute (conduite verbale de la séance de relaxation) dépendront des éléments apportés en début de séance par le patient, sur son humeur, ses sensations physiques, ses tracas relationnels etc.
Elles partiront toujours d’une invitation à écouter et à accueillir ce qui est éprouvé dans l’ici et maintenant de la séance. Elles donneront des indications pour accompagner le voyage en relaxation en proposant dans un premier temps des pistes d’attention à partir de questions comme :
« Comment vous sentez-vous ? » « Vous pouvez prendre plusieurs grandes respirations …. puis laisser votre respiration se déployer librement, sans la changer ».
« Comment percevez-vous vos épaules, votre gorge, l’intérieur de votre ventre ? »

L’attention portée aux différentes parties du corps, au va et vient respiratoire entre intérieur et extérieur, à la sensorialité et à la présence à soi-même offre au sujet la possibilité d’habiter plus consciemment son corps tout en modifiant son tonus global.
Souvent, cette première étape laisse apparaître des tensions localisées et invite à un relâchement des régions concernées.

Ainsi ouvre-t-elle l’accès à la deuxième étape, plus profonde, et toujours guidée par le thérapeute, celle du voyage intérieur, au cours duquel le patient laissera advenir des images, des souvenirs, et des lieux dans lesquels il a plaisir à se poser ou à se promener.
Que les lieux soient existants ou inventés importe peu, car les sensations convoquées puiseront toujours dans la mémoire sensorielle du sujet.

Pour soutenir cette exploration, le thérapeute posera d’autres questions sur l’environnement représenté et sur les sensations sollicitées. « Que ressentez-vous sous vos plantes de pied ? Quelle sensation vous procure le contact avec le sol ? » « Quelle est la qualité, l’éclat de la lumière qui vous entoure ? Ou quelle est l’intensité de la pénombre dans laquelle vous pénétrez ? » « Quels sont les odeurs, les sons, les bruits perçus par vous dans ce paysage ? »
À ces interrogations, le sujet répondra en cheminant silencieusement dans son imaginaire éveillé.

Tandis que la première approche est une écoute attentive au corps présent en séance, la deuxième étape est une écoute de l’imaginaire qui surgit durant la séance.

Cette méthode se distingue des relaxations qui utilisent la suggestion (ce qui donnerait par exemple : "Votre corps est lourd, vous sentez de la chaleur dans le ventre." ou "Vous marchez sur une plage, vous traversez une rivière" etc.)

Toutefois, cette relaxation prend volontairement appui sur les ressources internes au patient, en les mettant en valeur.
Chacun possède un capital de sensations et d’expériences agréables qu’il néglige, ou a oublié.
Il est très fréquent qu’en fin de séance la personne exprime sa joie d’avoir retrouvé des sensations enfouies, des maisons ou des personnes de son enfance disparues.

C’est à cette jonction que sensations et émotions se rencontrent, ouvrant le champ psycho-affectif stimulé par la mémoire corporelle. Il s’agit là de l’entrée dans la dernière étape de la relaxation à proprement parler, celle qui instaure un dialogue tonico-émotionnel entre la sensorialité du sujet, son tonus et sa vie psychique.

Or, le contact intime avec la mémoire corporelle peut effrayer certaines personnes qui redoutent le dévoilement de certains secrets conservés au creux de leur corps.
Le mystère des corps peut faire aussi peur que celui des âmes. « Qu’est-ce que mon inconscient sait que moi-même je ne saurais pas ? »

C’est pourquoi le thérapeute-relaxateur est attentif à solliciter d’emblée le vécu sensoriel et les souvenirs conscients agréables, afin de créer une aire de confiance entre le thérapeute et le patient, propice à une alliance thérapeutique qui ouvrira ensuite la possibilité d’explorer d’autres champs, moins éclairés par le conscient.

Des souvenirs d’enfance auprès de grands-parents aimants peuvent réveiller dans un second temps le drame d’un paradis perdu, celui d’un deuil enfoui ou mal cicatrisé, puis dans un troisième temps, une autre perte passée sous silence, des conflits familiaux restés en souffrance, ou toutes sortes d’histoires que la mémoire a conservées et dont la pensée ne s’encombre pas au quotidien alors qu’au cœur de ces drames résonnent encore un écho perturbant l’actuel.

Une douleur insistance sous la hanche, réveillée pendant une séance de relaxation peut rappeler une chute ancienne et la manière dont celle-ci avait été vécue, le contexte, les réactions des membres de l’entourage etc

Car, lorsqu’en relaxation on parle de corps, on évoque directement l’inconscient.

La matière recueillie dans le temps de relaxation, trésors de retour de voyage, est traitée ensuite comme le serait un rêve apporté en séance d’analyse, dans le fil associatif de la parole et des images, retraçant l’histoire du sujet ainsi que sa place dans sa lignée.

La particularité est que cette récolte se fait dans l’actuel de la séance grâce à une mise à l’écoute des sensations physiques, une régression psychocorporelle, un relâchement des défenses psychiques, et une circulation libidinale revivifiée qui stimule les réminiscences.

Cette parole ouverte au sujet, l’invitant à exprimer son ressenti sensoriel et kinesthésique ainsi que les images, souvenirs et émotions advenues pendant la séance, peut à un moment donné sembler insuffisante à une personne prête pour un travail d’élaboration plus approfondi. C’est pourquoi dans ce cas, un autre espace thérapeutique (psychanalytique de préférence), peut s’avérer nécessaire en complément de celui-ci.


L’INTÉRÊT THÉRAPEUTIQUE

L’intérêt premier est d’amener une personne à développer ses capacités perceptives. Car de la sensation à la perception un trajet psychique est à effectuer que d’aucuns ignorent.
Être attentif à percevoir un son, une odeur, une sensation physique agréable ou désagréable, permet d’accroître chez certaines personnes l’ensemble de leur sensorialité et de leur sensibilité, ainsi que leur relation à elles-mêmes et au monde.

La fonction perceptive qui est à la base de la formation du Moi renforcera celui-ci et consolidera l’assise narcissique du sujet.

L’autre intérêt, consubstantiellement lié au premier, est de proposer à la personne une découverte et une conscience renouvelée de son corps. L’intégration du corps sexué peut apporter un plaisir génital plus profond et plus global.

La valeur mobilisatrice sur le plan psychique de la régression convoquée en relaxation grâce à l’offre enveloppante du thérapeute réveillera les premières expériences de vie et les vécus relationnels avec la mère.

Même lorsque des angoisses de mort ou de morcellement réapparaissent, la relation thérapeutique peut améliorer une sécurité interne défaillante. À l’exception de situations extrêmes dans lesquelles l’image inconsciente du corps première aurait subi un dommage majeur, la vertu principale d’une cure de relaxation est de fortifier les fondements psychocorporels de la personnalité.

Les affects d’amour s’en trouvent vivifiés ainsi que la bonne « capacité à être seul ».

Les angoisses de mort lorsqu’elles sont présentes an début, générant une difficulté à tenir les yeux fermés notamment, régressent au fil de la cure. Le sujet, en prenant en compte la globalité de son corps, en intègre la jouissance et la finitude.

Mon expérience m’a montré que cette mise à l’écoute du corps joue, non seulement sur le tonus, mais sur l’ensemble des défenses mis en place par un sujet pour lutter contre ses angoisses, apportant ainsi une meilleure fluidité psychique et une plus grande liberté associative.